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6 février 2017
Le recrutement n’est pas une science exacte, personne sans doute n’en disconviendra. Cependant, quand on constate que le processus d’embauche, malgré les efforts de professionnalisation et de structuration des dernières années, souffre encore d’un taux d’échec aussi élevé que coûteux, on se dit que le potentiel d’amélioration du processus d’embauche reste considérable.
Un taux d’échec de la procédure d’embauche (TEPE) trop élevé
Si on se réfère à l’étude de la DARES de janvier 2015, ce sont près de 15% des CDI qui ne sont pas confirmés en fin de période d’essai, et 36% des CDI qui ne vont pas au terme de leur première année. Ce sont des chiffres énormes qu’on ne saurait minimiser quand on sait ce que coûte un recrutement en coût direct, mais surtout en effets induits. Comment expliquer ces chiffres et surtout comment y remédier ?
Trois causes d’échec parmi d’autres
La réussite d’un recrutement est quelque chose de complexe et de multifactoriel, et d’une certaine manière, on peut considérer qu’il n’y a que des cas particuliers et qu’aucune situation ne ressemble à une autre. C’est sans doute vrai, mais notre expérience de plus de trente ans de cabinet de recrutement nous amène à mettre en avant trois causes principales d’échec potentiel qui sont autant d’axes sensibles à prendre en compte dans le processus de recrutement.
- Une des causes d’échec, c’est l’inadéquation des compétences et du potentiel (qualités intellectuelles, techniques, comportementales…) entre les exigences du poste considéré dans son environnement et dans sa culture d’entreprise, et ce que le candidat pressenti apporte comme expérience, aptitudes et capacités d’adaptation.
- Une deuxième cause d’échec renvoie au processus d’intégration du nouvel embauché dans l’entreprise et touche à la formation au poste, au coaching et à l’accompagnement qui ont été (ou pas) mis en place pour donner à l’arrivant toutes ses chances de succès.
- La troisième tient à ce qu’on peut appeler « l’inadéquation motivationnelle » : au final, l’entreprise, avec ce qu’elle apporte, que ce soit dans le contenu du poste, dans le style de management, dans sa culture et ses valeurs ou encore dans les perspectives évolutives qu’elle peut offrir, ne répond pas aux attentes et aux souhaits du candidat. Cette découverte qui se fait généralement progressivement est tout au moins facteur de désillusion et de démotivation, quand elle ne conduit pas à la démission.
La fiabilisation du processus de recrutement par l’analyse des compétences
Nous n’insisterons ici que sur le premier axe de fiabilisation du processus de recrutement, à savoir la prédiction de la performance à travers la mesure et la validation des compétences. C’est quand même la moindre des choses, pourrait-on penser naïvement, que de s’assurer que le candidat pressenti possède bien les compétences requises par le poste à pourvoir. Et, sur le principe, tout le monde est certainement d’accord. C’est dans la mise en œuvre du processus de validation que les pratiques divergent et parfois manquent totalement de rigueur et de fiabilité.
Les insuffisances du CV, de l’entretien de recrutement ou du contrôle des références
Le recruteur qui cherche à en savoir un peu plus sur les compétences de son candidat potentiel va d’abord se référer au CV de celui-ci. Il va y trouver des formations suivies, des diplômes obtenus et un listing de compétences et de postes occupés. Ce sont des indicateurs intéressants et importants, quand ils sont bien analysés, mais ils restent relativement imprécis et ne permettent pas de mesurer la qualité du travail d’une personne ni de sa contribution potentielle à une nouvelle entreprise. Quelle valeur accorder à un diplôme ou que tirer comme enseignement de telle expérience professionnelle, même prétendument réussie ?
Le contrôle des références peut apporter une validation supplémentaire, mais il n’est pas non plus totalement satisfaisant. D’abord les candidats choisissent de donner les références qui leur sont le plus favorables et ensuite les anciens managers, pour des raisons diverses, peuvent avoir tendance à rester dans une sorte de neutralité bienveillante.
Les risques d’une embauche sur la cooptation ou sur le feeling sans plus de contrôle
Bien sûr, il y a l’entretien de recrutement et notre pratique de recruteurs nous en fait connaître toute l’importance, mais celui-ci est souvent trop peu étayé et l’intuition prend parfois le pas sur les données objectives et les argumentations rationnelles et le décideur peut difficilement échapper à la tentation de se fier à son intuition et de privilégier le candidat qu’il « sent bien » et qu’il « voit bien dans le poste »… Ou alors, à défaut d’autres éléments, il va se fier à la notoriété du diplôme, à la valeur de l’Ecole ou à l’exemplarité du parcours professionnel. Parce qu’on sort du même moule, on se comprend à demi-mot, n’est-ce pas ?
À la base de cette manière de faire, deux graves oublis
On voit bien les lacunes évidentes et les risques de ces démarches un peu trop « rapides » et pas suffisamment structurées. Les deux lacunes fondamentales sont en quelque sorte symétriques l’une à l’autre, et il ne saurait y avoir de démarche rigoureuse de recrutement si on escamote ne serait-ce qu’une seule de ces étapes.
Le job profiling
La première étape, trop souvent passée sous silence à notre goût, c’est celle de la description de poste, du job profiling, et donc de la définition du profil recherché. Si, bien souvent, on ne prend pas le soin de s’y appesantir, c’est d’une part parce que le poste, on le connaît bien (ou on croit le connaître), alors à quoi bon analyser ce qui est évident, … et c’est d’autre part parce que les managers eux-mêmes seraient souvent bien embêtés d’indiquer de façon précise les critères de réussite (ou d’échec) dans cette fonction qu’ils pensent connaître si bien… Raison de plus pour s’y attarder un peu et se méfier des évidences ! Occasion unique de réfléchir sur une fonction et sur son articulation avec les autres dans un ensemble systémique.
L’analyse des compétences et du potentiel du candidat
La seconde étape et qui est le pendant de la première, c’est une validation aussi exhaustive et aussi objective que possible des compétences et du potentiel du candidat au regard des critères définis à partir de l’analyse de poste. Notre expérience de recruteurs nous incite à penser que faire l’impasse sur cette démarche conduit bien souvent à des déboires et à des désillusions, et cela quels que soient les états de service ou les diplômes du candidat concerné. On comprendra qu’il peut ne pas être facile de dire à un candidat, par ailleurs émérite au regard de sa formation et de son parcours, et que l’on est allé solliciter, qu’il va lui falloir passer par les fourches caudines d’une validation de ses compétences et de son potentiel. L’expérience montre qu’il suffit bien souvent d’y mettre un peu les formes et d’expliquer les raisons de la procédure pour que celle-ci soit comprise et acceptée. Un refus de la part du candidat soulèverait d’ailleurs quelques interrogations.
Une nécessaire évaluation des aptitudes et de la personnalité
Ces outils d’analyse et de mesure des compétences et du potentiel existent. Ils ne remplacent pas l’entretien de recrutement pas plus que l’entretien ne saurait en dispenser. Ce sont des approches différentes et complémentaires aussi indispensables l’une que l’autre. Bien sûr, nous ne saurions méconnaître l’importance des valeurs personnelles et de la motivation dans la réussite professionnelle, mais nous mettons les aptitudes intellectuelles et les compétences comportementales au premier rang en termes de validité prédictive de l’efficacité professionnelle. De nombreuses expériences scientifiques l’ont démontré et notre expérience de la pratique du recrutement n’a cessé, au long des années, de renforcer notre conviction.
Conclusion : pas de recrutement sans mesure des compétences et du potentiel
La conséquence est simple et elle s’impose : les tests d’aptitudes et les questionnaires de personnalité font pour nous partie intégrante d’une démarche de recrutement qui se veut rigoureuse, et cela quel que soit le parcours du candidat ou quel que soit son niveau de diplôme. Il faut aussi reconnaître que cette démarche basée sur les compétences plus que sur le diplôme est aussi une manière de lutter contre les discriminations de toutes sortes, et c’est encore une façon de donner une chance identique à des personnes qui peuvent avoir un parcours atypique.